Alan Greenspan, président de Greenspan Associates LLC; ancien président de la Réserve fédérale des États-Unis
Gillian Tett, directrice de la rédaction américaine du Financial Times
New York, 
29 Octobre 2014,
Council on Foreign Relations

 

TETT: L’un des chapitres intéressants de votre livre parle de l’or. À l’époque, il y a eu plusieurs débats dans les médias au sujet de votre position sur l’or. Vous vous demandiez pourquoi les gens achetaient cette « relique barbare ». Je ne sais pas si John Paulson est présent dans la salle, mais c’est une question intéressante.

Mais pensez-vous que l’or est actuellement un bon investissement, compte tenu de ce que vous avez dit sur les crises potentielles à venir ?

GREENSPAN: Oui.

Habituellement, les économistes son très forts pour faire des réponses ambiguë et compliquées… mais cette fois-ci, je vais répondre sans faux-fuyants…

L’or est une monnaie. Il est toujours, selon toute évidence, la monnaie de référence. Aucune devise fiduciaire, même le dollar, ne peut l'égaler. Comme nous avons pu le voir dans le passé, les crises ont toujours eu des répercussions sur le prix de l’or. Mais le prix de l’or est « à moitié » un prix de matière première, alors, quand il y a un ralentissement économique, son prix descend comme celui du cuivre. Mais il possède aussi des caractéristiques monétaires intrinsèques. Ce n’est pourtant pas inné chez l’homme… je ne sais pas par quel mécanisme cela arrive, mais il se comporte comme s’il l’était. Les monnaies avec une valeur intrinsèque comme l’or et l’argent, par exemple, sont acceptées sans garantie d'une tierce partie… Par exemple, à la fin de la Deuxième guerre mondiale, ou juste après, les Allemands ne pouvaient pas importer de marchandises sans payer en or. Ceux qui expédiaient les marchandises s’assuraient d’abord d’obtenir l’or et se souciaient peu de la solvabilité des contreparties… c’est un phénomène très rare.

C’est pourquoi l'accord entre les banques centrales européennes pour coordonner les ventes d’or (CBGA) - car des ventes ont eu lieu quand le prix était au plus bas - a été renouvelé cette année, et officialisé via un communiqué affirmant que « l’or reste un élément important des réserves monétaires mondiales ».

La question est, pourquoi les banques centrales investissent-elles dans un actif qui n’apporte aucun rendement, mais que l’on doit entreposer, assurer etc. Pourquoi font-elles cela ? Si vous consultez les données disponibles, vous verrez que tous les pays développés, à quelques rares exceptions près, possèdent des réserves d’or. Pourquoi ?

TETT: J’imagine qu’en ce moment, c’est parce qu’il y a beaucoup d’interrogations sur la valeur des devises fiduciaires qui perdent de leur crédibilité…

GREENSPAN: Bien, c’est là que je voulais en venir. À chaque fois qu’il y a de grosses incertitudes, la moitié de ce qui détermine le prix de l’or se met à bouger.

TETT: Exact.

GREENSPAN: Je trouve cela fascinant… est-ce que Benn Steil est dans la salle ?

TETT: Oui.

GREENSPAN: Avant de lire mon livre, lisez celui de Benn… Il va vous intéresser, car il dit des choses fascinantes à ce sujet. Il évoque notamment le test ultime qui a eu lieu au Mount Washington Hotel, à Bretton Woods, en 1944. Ce vrai débat intellectuel entre les partisans de l’étalon de change-or et ceux qui souhaitaient la création d’une monnaie fiduciaire internationale (le bancor), telle que prônée par John Maynard Keynes… Keynes était là en 1944, et malgré tout son prestige, il ne pouvait pas contrer le fait que le dollar américain était convertible en or, et c’était son principal problème. Tout le monde voulait l’or des Américains. Et je pense que Benn a vraiment décrit cela de manière extraordinaire, selon moi. Je vous remercie.

TETT: Je suis certaine qu’avec de tels commentaires vous allez devenir l’idole des partisans de l'or.

Source originale: Cfr

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