"Comment l'inflation fait bondir le coût de la dette pour l'Etat" titrent Les Echos du 30 juin. Tiens donc, la croyance générale considère qu’une bonne vague d’inflation permet d’effacer les dettes, mais ce ne serait finalement pas le cas ?

Les États empruntent à taux fixe, ce qui constitue une vraie sécurité car ils connaissent à l’avance les intérêts à payer chaque année, et en cas d’épisode inflationniste, ils remboursent avec une monnaie dévaluée. Sauf qu’en France, et dans quelques autres pays européens, un petit génie du Ministère des finances a eu l’idée d’émettre des obligations indexées sur l’inflation (les OATi, Obligation Assimilable du Trésor). Pour quelle raison ? Afin de gagner quelques pourcents d’intérêt lors de l’émission. En effet, les investisseurs qui bénéficient d’un service supplémentaire (la protection contre la hausse des prix) perçoivent moins d’intérêts. L’idée a été lancée lors de la mise en place de l’euro et l’on pensait manifestement à Bercy que l’inflation figurerait au magasin des souvenirs. Une petite économie pour un gros risque…

Nous sommes les premiers à avoir averti de ce danger dès avril 2018, il y a 4 ans : "La France émet 10% de sa dette en titres indexés sur l’inflation : si les prix dérapent, c’est la ruine assurée". À l’époque, l’Agence France Trésor (AFT), qui gère la dette de la France, était fière d’annoncer le placement d’une OAT€i de 18 ans. Le Trésor faisait donc le pari que les prix resteraient sages au cours des 18 années suivantes, ce qui nous amène jusqu’en 2035. Et nous ne sommes même pas maîtres de notre destin puisqu'il ne s’agit pas du taux d’inflation en France, mais de celui de la zone euro (d’où le €i).

Avec le retour de l’inflation, les dégâts sont là. Les Echos écrivent que "Bercy table sur une hausse de la charge de la dette de 17 milliards € en 2022, dont 15 à cause des obligations indexées sur l'inflation." Il faut se rendre compte de l’aberration de la situation : l’inflation génère, sur 90% de notre stock de dette (émis à taux fixe), une dépense de 2 milliards € (qui provient du renouvellement des emprunts arrivant à échéance), et sur les 10% restant (émis à un taux variable), 15 milliards € de surcoût. Ces 10% de dette (un stock de 250 milliards €, essentiellement de OAT€i) coûtent 67,5 fois plus cher (15/2 fois 9) ! Ainsi, le coût total de la dette pour 2022 bondira de 25 à 42 milliards €.

15 milliards € d’un coup, sur une année... cela signifie que le budget 2022 est à revoir de fond en comble. Si l’inflation augmente encore et dure plusieurs années (c’est notre scénario), la faillite de la France devient difficilement évitable. Et encore, ces 15 milliards € sont une estimation basée sur une inflation à 6%, un chiffre déjà dépassé dans la zone euro, et bientôt en France.

Le plus incompréhensible est que Bercy continue d’émettre ces obligations alors que l’inflation est devenue une réalité criante. Ne serait-il pas temps d’arrêter ? Nous le dénoncions ici en février dernier, en rappelant que l’AFT a émis le 25 janvier 2022 une OAT€i d’une durée de 31 ans. La France sera donc exposée jusqu’en 2053 au risque inflationniste de la zone euro. La dernière émission date du 16 juin, avec une AOTi (indexée sur l’inflation en France) et deux OAT€i (indexées sur l’inflation de la zone euro) d'un montant total de 1,5 milliards € et courant jusqu’en 2027, 2036 et 2040.

Pourquoi cet entêtement suicidaire ? Formulons une hypothèse : la France est obligée de le faire pour ceux qui achètent sa dette. Mettons-nous à la place de ces investisseurs qui acquièrent de la dette française à taux fixe, et 10% à taux variable. Avec le retour de l’inflation, ils limitent les pertes, les OATi et OAT€i font tomber des paquets d’euros dans leurs escarcelles. Si l’État s’avisait de ne plus proposer ces produits très rentables pour eux, ils s’éloigneraient de la dette à taux fixe, et la France basculerait en situation de faillite, comme la Grèce en 2011.

Quoi qu’il en soit, il faut arrêter cette folie qui emmène le pays tout droit à la faillite.

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